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INTERVIEWS

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VALÉRIE SEGOND

Journaliste économique et sociale d'expérience, ayant travaillé à New York et Hong Kong, Valérie Segond est depuis 2018 correspondante du Figaro à Rome. Elle a beaucoup travaillé dans la presse économique et aussi dans des grands journaux français généraux avant d’être correspondante pour Le Figaro.

Interviews: Membres de l'Équipe

COMMENT DÉCRIRIEZ-VOUS LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET L’ITALIE ?

En général, ce sont deux pays qui ont beaucoup de points en commun, une culture commune, ne serait-ce que l’accès à la Méditerranée. Historiquement tout ce qui se passe d’un côté et de l’autre a toujours eu beaucoup d’importance. Il en est ressorti qu’il y a une proximité réelle entre les deux pays et je dirai de la part de l’Italie une grande admiration à l’égard de la France, pour eux la France est une Italie qui aurait marché, une Italie qui marcherait mieux qu’elle ne marche. Donc du point de vue italien je me rends bien compte que la France est toujours une référence. On regarde toujours ce qui se passe en France, on dit « regardez les français ils ont fait comme ça, ils sont arrivés à faire ça ». La France est un pays très important pour l’Italie, plus que l’Allemagne. On est plus proches entre la France et l’Italie qu’entre l’Italie et l’Allemagne, ne serait-ce que culturellement et historiquement parlant. Donc ça c’est la grande généralité, c’est-à-dire on dit c’est des cousins, pour autant les cousins se disputent très fort et bien sûr que l’Italie vis-à-vis de la France elle a une espèce d’amour et de complexe en même temps, c’est-à-dire qu’elle admire ce que c’est la France, elle admire les réalisations de la France, elle reste toujours un modèle, mais un modèle complexe, un modèle qui agace. Parce qu’on estime que les français sont arrogants. Parfois les italiens ont l’impression que les français les méprisent un peu, qu’ils tiennent moins de place en France que l’Allemagne par exemple.

L’HISTOIRE DES RELATIONS FRANCO-ITALIENNES MET EN LUMIÈRE UNE FRAGILITÉ DES RAPPORTS ENTRE LES DEUX PAYS. DE NOMBREUX DOSSIERS ONT TOUJOURS DIVISÉ PARIS ET ROME. À QUOI DOIT-ON CETTE DÉLICATESSE DES RELATIONS ?

Quand je suis arrivée il y deux ans dans ce poste les relations été très mauvaises. Et comme elles ne l’avaient jamais été mauvaises, sauf pendant la guerre, ça c’est autre chose. Je parle en temps de paix. Il y a deux ans quand le gouvernement de la Ligue et des 5 étoiles est arrivé au pouvoir et qu’il y avait une compétition entre la Ligue et les 5 étoiles pour montrer des muscles si vous voulez vis-à-vis de leurs électeurs, la relation avec la France était une cible des attaques des deux membres de l’alliance au gouvernement et il y a eu à cette époque une très mauvaise relation. On cherchait des embrouilles à la France en permanence. On reprochait à la France de ne pas avoir pris la mesure de la gravité de la crise migratoire, les années 2014, 2016, 2017 quand il y avait eu des flux migratoires très importants d’immigrés illégaux sur les côtes italiennes. La France a un peu négligé l’Italie à ce moment-là et clairement l’Italie s’est sentie trahie et abandonné par le pays qu’elle considéré être son meilleur allié en Europe. Ça a été très important dans la relation entre les deux pays et encore aujourd’hui la question migratoire n’est pas très simple entre les pays. Parce que la France ne fait pas grand-chose pour aider l’Italie. Elle parle beaucoup mais elle ne fait pas grand-chose. Il y a ce que dit la France et ce que fait la France vis-à-vis de l’Italie. Il faut toujours distinguer les deux choses. C’était très évident par exemple au moment de la crise sanitaire, la première vague de la crise sanitaire, la France n’arrêtait pas de jurer la main sur le cœur qu’elle était solidaire de l’Italie mais la vérité est qu’elle ne faisait pas grand-chose pour aider l’Italie. Et les italiens s’en sont rendu compte et ce qui a nourri un agacement très sérieux à l’égard de la France. Donc si vous voulez il y a des sujets sur lesquels la France parle beaucoup mais ne fait pas grand-chose. Il y a eu il y a deux ans une crise qui a été très sérieuse puisque l’ambassadeur de France a fini par quitter l’Italie.

LA FRANCE ET L’ITALIE ONT CONNU RÉCEMMENT UNE CRISE DIPLOMATIQUE CULMINANT AVEC LE RAPPEL DE L’AMBASSADEUR CHRISTIAN MASSET EN FÉVRIER 2019 POUR CONSULTATIONS. COMMENT CETTE DÉCISION A-T-ELLE ÉTÉ VÉCUE À ROME ?

Ils ont été surpris les italiens. Ils ont été surpris de la vigueur de la réponse française. Parce que jusque-là ils pensaient qu’ils pouvaient tout faire. 
Quand les 5 étoiles sont allés voir les gilets jaunes pour monter les gilets jaunes contre l’état français, ça a été très mal vécu en France et c’est ça qui a amené Paris à rappeler son ambassadeur. Mais les italiens ne pensaient pas que la France irait si loin. Ils étaient très inconséquents, ils faisaient des choses, ils n’arrêtaient pas de lancer des provocations, mais ils ne pensaient pas que la France serait ferme. Et la France a eu raison parce qu’ils se sont calmés après ça et ils ont arrêté de la provoquer. Je pense que la fermeture de la réponse française a beaucoup surpris les italiens.

LE PROJET D’UN TRAITÉ DU QUIRINAL S’INSCRIT DANS LA VOLONTÉ DE DONNER UN CADRE STABLE À LA COOPÉRATION FRANCO-ITALIENNE TOUT EN S’INSPIRANT DU TRAITÉ DE L’ÉLYSÉE QUI AVAIT SCELLÉ LA RÉCONCILIATION ENTRE LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE FÉDÉRALE EN 1963. LES RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES REPRÉSENTENT-ELLES UN MODÈLE EXEMPLAIRE ?

C’est sûr que les relations franco-allemandes représentent le socle de l’Europe. Dès qu’il y a un problème, la France et l’Allemagne s’appellent, elles s’appellent en permanence. Il y a donc une proximité entre la France et l’Allemagne qui a permis à l’Europe de fonctionner malgré les crises etc. Oui, c’est un modèle dans le sens où c’est par là que ça se passe, que l’Europe se construit. Après ce n’est pas sûr que les italiens veuillent avoir avec la France des relations aussi proches et systématiques que la France a avec l’Allemagne. En vrai dire on ne sait pas grand-chose, l’Italie ne s’est jamais prononcée sur sa vision du traité du Quirinal donc on attend de savoir ce que les italiens vont proposer à la France en matière de cadres de coopération. Mais ce que j’en ressens, j’ai l’impression que les italiens ne sont pas fanatiques, ils ne sont pas forcément désireux d’avoir des relations aussi proches que l’Allemagne et la France même s’ils sont bien conscients que ces relations montrent une grande proximité, c’est ça qui a permis de faire avancer l’Europe.

LA SIGNATURE DU TRAITÉ DU QUIRINAL POURRAIT-ELLE REMETTRE EN CAUSE LE JEU POLITIQUE FRANCO-ALLEMAND AU SEIN DE L’UE ?

La relation franco-allemande date depuis très longtemps, elle date de Robert Schuman et Jean Monnet. La relation franco-allemande a varié dans le temps et en fonction des présidents et de la chancelière. Depuis 15 ans c’est Merkel. Et il y a eu des ententes plus ou moins fortes selon les présidents. Je pense qu’il y avait une meilleure entente avec Sarkozy puis avec Macron qu’avec Hollande. Donc ça a varié dans le temps mais le couple franco-allemand a toujours été très important. Il a toujours fonctionné globalement. Effectivement je pense qu’avec le Brexit on s’est à nouveau rapprochés.

LA MISE EN PLACE D’UN TRAITÉ BILATÉRAL SERAIT-ELLE SUSCEPTIBLE DE DONNER UN NOUVEL ÉLAN AUX RELATIONS ENTRE LES DEUX PAYS ?

Oui, je pense que oui. Et après vous savez les relations, c’est des relations d’hommes. Ce sont les gens qui comptent. Les traités c’est une chose, oui c’est sûr que s’il y a des rencontres qui sont établies de façon institutionnelle, régulière, qu’il y a un canal de communication plus fréquent, plus systématique, plus régulière entre les pays, il y aura un cadre qui fonctionnera bien. Maintenant je pense que ce sont les gens qui comptent. Il y a des gens qui sont doués pour ça et puis il y en a d’autres qui le sont moins. 
Ça dépend de l’ambassadeur, l’ambassadeur de France joue un rôle très important là-dedans. 
Je pense que Christian Masset il est beaucoup plus introduit auprès des italiens que n’était l’ambassadrice précédente.
Ça dépend des majorités politiques aussi, de qui est élu. Si on regarde les élections en Italie en 2023, si la droite est élue avec la Ligue au pouvoir, qu’est-ce qui restera de tout ça ? Donc vous voyez ça dépend beaucoup des majorités, des gens qui sont au pouvoir, de la volonté de coopérer ou pas, de la curiosité réciproque qu’il y a entre les individus.

Interviews: FAQ
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NICOLETTA PIROZZI

Nicoletta Pirozzi est responsable du programme "UE, politique et institutions" et des relations institutionnelles à l'Institut des Affaires Internationales (IAI), à Rome. Elle est experte en matière de politique étrangère et de sécurité de l'Union européenne. Elle est également membre de l'Institut Universitaire Européen, à Florence, où elle travaille sur un projet lié aux perspectives d'intégration différenciée au sein de l'Union européenne.

Interviews: Membres de l'Équipe

POURQUOI, À VOTRE AVIS, L'ITALIE ET LA FRANCE ONT-ELLES RENCONTRÉ ET CONTINUENT-ELLES À RENCONTRER DES DIFFICULTÉS POUR CONSTRUIRE DES RELATIONS STABLES, CONTRAIREMENT À CE QUI S'EST PASSÉ POUR LA FRANCE ET L'ALLEMAGNE ?

Les relations franco-italiennes ont toujours été assez difficiles. Je pense que cela est lié à des facteurs historiques et culturels. La France, ne l'oublions pas, a également été un envahisseur sur le territoire italien, donc il y a toujours eu une sorte de déséquilibre entre les deux pays jusqu'à aujourd'hui où des points de confrontation ou de concurrence, en particulier dans des domaines clés de la politique industrielle et étrangère, sont devenus tout à fait évidents. L'Italie et la France ont donc toujours eu un peu de mal à trouver une méthode de travail commune. Je dois dire que, d'une part, il y a eu, il y a toujours côté italien une admiration pour le système français à certains égards et, en même temps, un manque de confiance dans les objectifs ultimes de la France dans tout type de partenariat. Il y a toujours un peu la perception d'une volonté du côté français de l'emporter et d'imposer son propre agenda. La relation franco-italienne n'est donc pas perçue comme un partenariat égal entre les deux pays.

COMMENT L'ITALIE PERÇOIT-ELLE SES RELATIONS AVEC LA FRANCE ?

La perception est, d'une part, celle d'un modèle sous certains aspects, un modèle d'organisation, de machine étatique, de capacité à faire fonctionner le système national de manière stratégique par rapport aux objectifs fixés au niveau politique, ce qui en Italie fait objectivement très souvent défaut. D'autre part, il existe également une sorte de méfiance liée à un manque de transparence ou, en tout cas, à une tentative de l'emporter sur le partenaire.

Côté français, d'après ce que j'ai pu observer également dans les contacts avec les collègues et les decision makers français, il y a aussi une volonté de rapprochement et la reconnaissance que l'Italie est un partenaire important, voire nécessaire, dans certains secteurs qui ont à avoir à la fois avec la proximité géographique et au partage du rôle des pays fondateurs du projet européen, mais aussi au niveau commercial, industriel et stratégique ; mais en même temps, il y a aussi un manque de confiance dans la capacité réelle de l'Italie à répondre à des niveaux de partenariat appropriés. Disons donc que c'est une relation un peu faible qui n'a pas les caractéristiques de confiance et de connaissance mutuelles que nous voyons dans la relation franco-allemande, qui en tout cas est basée sur des années de relations consolidées, relations également de nature politico-administrative très étroites.

DEPUIS LA SIGNATURE DU TRAITÉ DE L'ÉLYSÉE JUSQU'À AUJOURD'HUI, BIEN QUE CERTAINES DIFFICULTÉS INITIALES SOIENT APPARUES, LA FRANCE ET L'ALLEMAGNE CONTINUENT DE TENIR DES RÉUNIONS QUI ONT PERMIS AUX DEUX PAYS, MAIS AUSSI À L'EUROPE, D'ALLER DE L'AVANT. LA FRANCE ET L'ITALIE AVAIENT COMMENCÉ À SE RENCONTRER LORS DE SOMMETS ANNUELS À PARTIR DES ANNÉES 1980, MAIS EN RAISON DE MALENTENDUS ET DE LA CRISE DIPLOMATIQUE ENTRE LES DEUX PAYS, CES RENCONTRES ONT ÉTÉ INTERROMPUES PENDANT QUELQUES ANNÉES. EST-CE LA CONFIRMATION DES DIFFICULTÉS QUE LES DEUX PAYS ONT À CONSTRUIRE DES RELATIONS STABLES ?

Les difficultés que nous rencontrons actuellement sont dues en partie à des éléments structurels et en partie à des éléments contingents qui ont à voir avec la réalité politique. Les éléments structurels ont trait à une divergence substantielle des priorités stratégiques entre l'Italie et la France, ou plutôt à une divergence d'intérêts dans les domaines stratégiques partagés entre l'Italie et la France. Ces dernières années, nous l'avons vu à l'œuvre dans de nombreux domaines, par exemple en politique étrangère sur la position des deux pays par rapport à la crise libyenne et, plus récemment encore, par rapport à la Méditerranée orientale. Nous l'avons vu d'un point de vue industriel et technologique, où les géants industriels des deux pays sont en nette concurrence les uns avec les autres, etc. D'autre part, il y a également eu des éléments contingents assez problématiques. 2018 a été l'année où nous avons eu en Italie, pendant un an, un gouvernement jaune-vert composé du Mouvement 5 Étoiles et de la Ligue qui, pour la première fois dans l'histoire de la politique étrangère italienne, a remis en question les alliances traditionnelles dans le contexte européen et tout d'abord le partenariat avec l'Allemagne et la France, qui étaient en fait représentées comme des partenaires peu fiables pour l'Italie, ou du moins des partenaires qui ne poursuivaient pas les mêmes intérêts que notre pays. Cela a entraîné une nouvelle difficulté dans les relations, qui a ensuite culminé en une véritable crise diplomatique qui a été surmontée grâce à l'intervention du président de la République italien, Sergio Mattarella, et qui a conduit à une normalisation des relations avec le changement de gouvernement qui a eu lieu en août 2019, et disons que cela a coïncidé quelque peu avec le retour de l'Italie en Europe. Ce qui est très clair côté italien, c'est que le retour de l'Italie en Europe signifie aussi le retour de la volonté italienne de s'engager avec la France et l'Allemagne comme moteur de l'intégration, une tentative qui a été faite à plusieurs reprises par l'Italie dans le passé. Les dernières tentatives plus concrètes ont été faites par les gouvernements de Renzi et de Gentiloni et on essaie maintenant de recommencer, de refaire tout ce que l'ancien premier ministre Renzi avait essayé de mettre en place avec la rencontre à Ventotene avec Merkel et la Hollande, mais aussi avec une politique plus active de l'Italie aux côtés de la France et de l'Allemagne. Je n'exclus donc pas la possibilité d'améliorations substantielles à l'avenir, même si les obstacles structurels dont je parlais plus tôt subsistent.

LA CONTRIBUTION DE L'ALLEMAGNE, MAIS SURTOUT DE LA FRANCE, À L'APPROBATION DU PLAN DE RELANCE EUROPÉEN POUR FAIRE FACE À LA CRISE DE COVID-19 A ÉTÉ DÉCISIVE. COMMENT LE RÔLE JOUÉ PAR MACRON A-T-IL ÉTÉ VU ET VÉCU EN ITALIE ?

Très positivement. Je dois dire que l'accord sur le Next Generation Eu a précisément eu pour but de rassembler le front méditerranéen en ce qui concerne certains choix spécifiques de politique économique de l'Union européenne et en général d'orientation du processus d'intégration, donc avec les propositions également très avancées d'un instrument de dette partagée, un mécanisme qui donne une série de ressources sous forme de contributions non remboursables pour les pays les plus touchés. Le jugement a donc été très positif de ce point de vue, également parce qu'il y avait la perception d'un changement de la part de l'Allemagne, que beaucoup ont également attribué à une influence positive de la France et au rôle de Macron. Ce qui manquait un peu dans la première phase de la pandémie était la perception de la solidarité de la part de la France et de l'Allemagne. En fait, les enquêtes menées dans la première phase de la pandémie en Italie montrent des résultats vraiment surprenants, les partenaires européens étant perçus de manière beaucoup plus négative que d'autres partenaires comme la Chine, la Russie, qui avaient au contraire une diplomatie beaucoup plus agressive même du point de vue de l'aide sanitaire, etc. Ainsi, dans cette première phase, les relations ont de nouveau connu une crise assez grave, le manque d'équipements médicaux, etc. a eu un impact très fort sur les citoyens italiens. Cependant, avec l'adoption du Fonds de relance, la situation a considérablement changé. Le rôle de la France a été plus ou moins reconnu par tous.

ANNONCÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS EN 2017, LE TRAITÉ DU QUIRINAL EST TOMBÉ DANS L'OUBLI EN RAISON DE LA CRISE DIPLOMATIQUE DONT LA FRANCE ET L'ITALIE ONT ÉTÉ LES PROTAGONISTES. RÉAFFIRMÉ LORS DU SOMMET DE NAPLES EN FÉVRIER DERNIER, LE PROJET A DE NOUVEAU ÉTÉ MIS DE CÔTÉ EN RAISON DE LA CRISE DE LA COVID-19. À VOTRE AVIS, S'AGIT-IL SIMPLEMENT D'UNE SÉRIE D'ÉVÉNEMENTS MALHEUREUX OU D'UN SIGNE DE MANQUE D'INTÉRÊT POUR LA CRÉATION D'UN ACCORD BILATÉRAL ?

Les circonstances étaient sans aucun doute très malheureuses. Il est clair que depuis le début de cette année, il y a eu des besoins beaucoup plus pressants et différents qui ont bloqué les relations diplomatiques, les ont rendues difficiles à mettre en œuvre d'un point de vue physique, d'un point de vue des rencontres et au niveau des priorités politiques. Mais je crois qu'il y a autre chose aussi, c'est que les deux pays n'ont jamais complètement clarifié quels sont les objectifs spécifiques de ce traité et comment il devrait fonctionner en pratique. Toutes ces relations qui sont en place entre la France et l'Allemagne, il ne semble pas y avoir d'articulation très concrète dans les discussions pour un Traité du Quirinal entre la France et l'Italie. Il existe une volonté générale et positive de la part des deux pays de se rencontrer, de tisser des relations plus profondes, d'avoir un cadre de référence stratégique commun, mais on ne discute jamais assez des objectifs spécifiques de ce traité et de ce qui devrait changer en pratique dans les relations entre l'Italie et la France. Je crois que de part et d'autre, il y a eu un manque de ce type de volonté politique, au-delà de cette volonté générale de rapprochement, qui n'est cependant pas suffisante et reste une fin en soi.

LA CRÉATION D'UN TRAITÉ BILATÉRAL POURRAIT-ELLE AIDER LA FRANCE ET L'ITALIE À TOURNER LA PAGE SUR LES NOMBREUX POINTS DE DÉSACCORD QUI SONT APPARUS CES DERNIÈRES ANNÉES (PAR EXEMPLE, LA QUESTION LIBYENNE, LES FLUX MIGRATOIRES) ?

À mon avis, cela n'est pas possible à court terme car les intérêts stratégiques, notamment sur certains aspects, sont assez éloignés entre les deux pays et je pense donc que la convergence nécessiterait une pratique de travail, un réseau de relations diplomatiques, mais aussi une familiarité entre les administrations responsables des différents dossiers et les principaux acteurs du secteur privé qui se construit sur des années, voire des décennies. Je crois donc que la relation que nous voyons à l'œuvre entre la France et l'Allemagne n'est pas comparable, précisément parce qu'elle a à la base cette coutume de travailler ensemble que l'Italie et la France pourraient certainement construire, je ne pense pas que ce soit impossible du tout, au contraire, je suis convaincue que ce serait un avantage pour les deux, mais qui viendrait après des années de ce type de relations. Je considère le Traité du Quirinal comme le cadre qui pourrait faciliter tout cela, le début d'un chemin commun, mais il reste encore beaucoup de travail à faire de part et d'autre.

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